Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Cuscute : le vampire de la luzerne !

Cuscute : le vampire de la luzerne !

Accéder aux flux rss de notre siteImprimer la page

Une recrudescence de la cuscute est en cours de manière très importante dans le Sud-Ouest de la France. Le département du Tarn n’est malheureusement pas épargné par ce fléau

Si une vigilance accrue n’est pas réalisée rapidement sur le secteur, par tous les acteurs (éleveurs, techniciens d’établissements de semences, agriculteurs multiplicateurs, entrepreneurs de récolte, trieurs à façon…), à terme, la prolifération de la cuscute pourrait compromettre la filière luzerne dans son intégralité (semences et fourrages).

Ce parasite au nom rigolo, n’a rien de drôle.

Un peu de biologie pour comprendre

La cuscute est une herbe parasite lianescente annuelle sans chlorophylle de la famille des Convolvulaceae. La tige est grêle, filiforme, de teinte jaunâtre à orangée, portant les suçoirs. Elle s’enroule autour des tiges de la plante support. Les feuilles sont réduites à de petites écailles à l’extrémité des tiges. Les fleurs sont assemblées en groupes compacts, petites et blanchâtres. Le fruit est brun clair. Le développement rapide de la cuscute peut conduire à l’épuisement des plantes hôtes dont elle prélève la sève directement dans les vaisseaux conducteurs, grâce aux suçoirs qui pénètrent dans les tiges. La pénétration des suçoirs favorise aussi la transmission d’agents pathogènes et l’installation de maladies.

Plantes hôtes

Il existe plus de 150 espèces de cuscutes que l’on retrouve dans toutes les régions tempérées à tropicales. En France, la plus courante est Cuscuta campestris. La luzerne et de nombreux protéagineux sont les principales plantes hôtes de ce parasite. On voit apparaitre des contaminations sur lentilles et pois chiches dont les surfaces augmentent sur notre région, surtout en agriculture biologique. La cuscute ne parasite ni les graminées, ni les céréales.

Multiplication

La cuscute se multiplie principalement par ses graines qui lèvent au printemps, mais des fragments de tige pourvus de suçoirs peuvent être disséminés par les outils. Les graines sont très petites (1 mm) et produites en très grand nombre (2000 à 3000 graines par tige), elles peuvent rester viables dans le sol pendant 10 ans et germent jusqu’à une profondeur de 1,5 cm. La plantule doit se fixer à une plante hôte dans les 5 jours qui suivent la germination. L’extrémité de la jeune tige s’allonge et, par des mouvements circulaires, cherche à atteindre une tige de plante hôte, elle l’entoure de 2 ou 3 spires et envoie plusieurs suçoirs dans les tissus conducteurs tandis que la partie inférieure de la plantule se dessèche. L’extrémité de la tige s’allonge alors jusqu’à entrer en contact avec une autre tige hôte autour de laquelle elle s’enroule. Sur cette portion de tige libre se développent des rameaux latéraux, eux aussi à la recherche de tiges hôtes. Un seul individu peut couvrir ainsi plusieurs mètres-carrés.

Prévenir

Pour limiter les risques que la cuscute apparaisse dans vos parcelles de luzerne, il faut :

· Connaitre l’historique de la parcelle : avant d’implanter une luzerne, il faut savoir si au cours des 20 dernières années de la cuscute a été identifiée sur la parcelle que l’on souhaite implanter. S’il n’y a pas eu de labour ou peu de labour, il est possible que des ronds de cuscute réapparaissent. N’hésitez pas à discuter de ce parasite avec les « anciens ».

· Choisir sa semence : la cuscute est fréquemment présente dans les semences fermières. Elle est très difficile à trier. Les trieurs à façon professionnel, avec leur trieur rotatif, se disent en mesure d’en éliminer 70 %. Autrement dit, 30 % de cuscute reste donc potentiellement dans le lot et peut venir réensemencer les parcelles. Pour en venir à bout, les semenciers utilisent un procès spécifique. C’est le triage magnétique. Ce procédé n’est pas réalisable en exploitation agricole et les trieurs à façon ne le pratiquent pas. (Cf encart : zoom sur le triage magnétique)

La principale recommandation est donc d’utiliser de la semence certifiée pour les légumineuses à petites graines, surtout pour la luzerne et le trèfle, elle doit être indemne de cuscute (Arrêté du 2 décembre 2013 portant homologation du règlement technique annexe des semences certifiées de plantes fourragères).

Dans le cas toutefois d’utilisation de semence fermière, privilégier sa propre semence, récoltée avec sa propre moissonneuse si on est sûr que le champ est indemne de cuscute. Bien observer régulièrement, de petits ronds de cuscute peuvent ne pas être très visibles.

· Ne pas la disperser par les outils : Attention si on utilise des outils de récolte de fourrage en commun, en CUMA ou si la récolte est faite en prestation. Tous ces outils peuvent transporter des graines ou des morceaux de tiges de cuscute. Veillez à la propreté des machines.

· Ne pas la disperser avec le troupeau : pour les éleveurs, si vous identifiez des ronds de cuscute dans vos parcelles, évitez d’y faire pâturer vos troupeaux car ils peuvent contribuer à la dispersion des ronds de cuscute et ils peuvent en apporter sur d’autres parcelles en transportant sur leur pelage. De plus, la cuscute peut s’avérer toxique si la zone pâturée ou le fourrage est contaminé à plus de 50 %.

Zoom sur le triage magnétique des semences Garantir une semence indemne de cuscute Les graines de cuscute sont très petites et difficiles à trier efficacement avec les trieurs classiques. Les semenciers utilisent des trieurs magnétiques. Ce procédé est assez onéreux mais très fiable pour garantir une semence certifiée indemne de cuscute. La semence à trier est mélangée avec de la limaille de fer fine qui s’accroche aux graines velues de la cuscute et forme un enrobage. Les graines de luzerne ou de trèfle étant lisses, la limaille ne s’y accroche pas. La semence passe ensuite au contact d’un électo-aimant qui extrait les graines de cuscute enrobées de limaille de fer et laisse passer les graines lisses de luzerne ou de trèfle.

Guérir : Comment se débarrasser de la cuscute ?

· Repérer et détruire tôt les zones envahies par brûlage thermique ou désherbage chimique (herbicide non-sélectif) avant fructification de la cuscute. Ces deux modes de destruction feront périr à la fois la cuscute et la plante hôte. Élargir la destruction sur une zone tampon de 1 mètre minimum autour de la zone contaminée pour s’assurer de la destruction de tous les filaments (si besoin d’autorisation pour un brûlage thermique, se renseigner auprès de la mairie ou de la DDT).

· Ne pas récolter, ni faire pâturer les zones contaminées pour ne pas disperser les graines sur toute l'exploitation et en dehors (par les outils, le fumier, les animaux, etc.).

· Enfouir les graines par un labour plus profond que le labour habituel aux endroits contaminés, pour ne pas les remonter lors d'un prochain labour. Les graines ont une durée de vie dans le sol de 10 ans, donc éviter de réimplanter de la luzerne, du trèfle, de la vesce ou autres plantes hôtes sensibles pendant au moins 10 ans.

· La cuscute peut également être présente aux abords des champs, des chemins et des routes, il faut la détruire aussi sur ces zones pour éviter la dispersion des graines.

Avenir et perspectives

La FNAMS (fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences) mène actuellement un travail sur de la détection de la cuscute par drone dans les luzernes. Ce projet à titre expérimental pourra, à terme, permettre de mieux détecter les cuscutes et de les gérer plus facilement.

Pour conclure

A ce jour, le Tarn produit près de 1800 ha de semence de luzerne, soit 10 % de la production nationale. La lutte contre la prolifération de la cuscute dans nos champs permettra de continuer à améliorer la filière et à faire en sorte de maintenir le Tarn dans les départements leader de la production de cette espèce emblématique. Pour l’avenir de la filière luzerne dans son intégralité, de la semence aux fourrages, sentons-nous tous concernés et restons vigilants.

Pour plus d’informations vous pouvez contacter, Camille BOURGOIS, animatrice du Syndicat des producteurs de semences potagères et fourragères du Tarn au 06.69.46.62.53.

Sources : Fabien Bouchet-Lannat (Chambre d’agriculture du Lot) et Yannick Célaries (Technicien fourragères - RAGT PC)

Ressources documentaires : Plaquettes SEMAE : LA CUSCUTE PLANTE PARASITE ET DESTRUCTRICE DE LA LUZERNE COMMENT PROTÉGER NOS CULTURES ? www.semae.fr/publication/la-cuscute-plante-parasite-et-destructrice-de-la-luzerne